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Mot du jour du 29 septembre

Hommage et Lumière

Hommage est Lumière

 

La touffeur martèle sans partage. Elle se faufile dans les angles ombragés et  derrière les façades. Le feuillage plus fragile semble paralysé, retenu, alors que la branche pénètre sagement son intériorité.

Les jeunes filles dans leur fraicheur, se pavanent, dépouillées et provocantes. Soucieuses de leur apparence, elles badinent dévoilant une légèreté calculée.

Les garçons de leur âge déambulent gauchement, tout à leur barbe clairsemée.

Les lumières intérieures sont bien là mais il semblerait que les réserves s’amenuisent irrémédiablement.

Désormais les anciens adolescents ne vaquent plus. Eteints, ils foncent de leurs épaules tendues, perchés sur leurs pensées de sentence.

Un îlot lumineux et tranquille passe parfois sans que nul ne consente à lui tendre une attention. Sur le trottoir, le regard large sans rien saisir, ses pas sont décidés, tranquilles et furtifs, Il s’avance comme pour se glisser entre des gangues collantes et presque nauséabondes.

Un peu plus loin quand les arbres prennent encore le dessus sur les aménagements sans partage qui progressent de toute part, des présences lumineuses dansent ici ou là, comme un appel pudique. Ces lieux tendus et irradiants se nourrissent de l’abondante gratitude qui imprègne et respire encore dans chaque recoin indigène.

Il fut un temps de l’offrande à ces endroits. On y venait pour s’y reposer, prier, méditer, offrir. De jeunes couples se déclaraient leur amour et demandaient protection.

Des Esprits y résident encore. À bien observer, ils semblent dormir. Bien sur quelques lézards, une petite famille de loirs, quelques oiseaux y ont trouvé refuge, ils s’y connaissent.

Les hôtes, de par leurs très lointaines origines sont là et agissent même parfois à leur manière bien différente des nôtres. Chaque lieu a la sienne. Ce langage est tout particulier et nous est étranger, à moins qu’on écoute silencieusement, humblement. Il nous faudra un peu de temps, une attention répétée, une ouverture, un sans rien.

Comme une rencontre fortuite qui en dira long.

On fait alors, acte de venir, de s’y pencher, de s’y incliner, de goûter, de s’ouvrir. Peu à peu, les craintes de part et d’autre s’estompent.

Présents depuis que l’endroit s’est forgé, ces Mânes ont façonné le lieu. Elles s’y sont glissées, devenues pierre, arbre, eau, lave, brume… montagne, mer. Autrefois, elles étaient déjà des Êtres avertis, participant et contribuant à la danse des étoiles. L’immense pureté de leur âme compose les grands paysages célèbres que la nature nous offre.

Désormais elles semblent assoupies dans une sage patience. Elles expireront un jour de même que leur habitat pour se fondre à nouveau dans l’immense gratitude imprégnant le tout.

Ne pourrions nous pas quand nous déambulons ici ou là, nous tenir à l’écoute d’une telle coïncidence. Cela peut être un arbre, une roche, un bord de rivière, un arbuste coincé entre deux bâtiments en béton, une cascade, voire une personne. Nous reviendrons régulièrement visiter, rendre hommage, faire plus ample connaissance et enfin sortir de ces visites guidées touristiques.

Désormais, les projets matérialistes de la vie de tous les jours ont tristement remplacé passion et émerveillement. La peur et l’avidité suintent. L’éclat des yeux, reflet de notre enthousiasme se ternit, devient fuyant et retenu ou défiant et provocateur.

La beauté intérieure qui nous fut léguée à la naissance s’estompe, se raréfie, pâlit.

On s’engage dans une pratique noble avec cet esprit de consommation à la mode. Elle ne dépendra plus que de nos envies, de nos humeurs.

« LA » soutenir comme un bien précieux pour le monde environnant est totalement absent et ne figure pas dans nos réflexions, nos intuitions. Eloignée de nos idéaux, tout revient obsessionnellement à soi-même.

On pratique quelques années puis on quitte avec désinvolture, on fait une pause, convaincu de son bon droit. Oui bien sûr, on peut être malade, blessé, triste, déçu, sans le sou, mais pourquoi se remplir de cette émotion du moment qui passe et qui s’impose, prenant le dessus en dictateur aveugle.

Soutenir, être relié, guérit, nous élève et ainsi dansent et chantent nos lumières intérieures. Désormais tout est cloisonné ; famille, partenaire, travail, loisirs, les choses aimées et celles haïes. Organisés en tiroirs, on passe de l’un à l’autre jouant son rôle adapté au créneau choisi.

La gratitude lumineuse imprègne chaque parcelle de la nature et nous en sommes remplie. Elle ne peut se cantonner à une étiquette, à une politesse sociale, à une humeur ou à un marchandage.

Alors quant on ne sait plus quoi dire, quant on ne sait plus comment partager, quand on est dans le doute, il nous reste toujours le Merci remplissant nos yeux, notre poitrine et nos dire.

Reconnaître cela, l’exprimer, demeure sans nul doute la transformation la plus édifiante que notre pratique peut nous offrir.

 

Bernard