Le Dojo du LaurierUncategorized

Lettre 5

Le Dojo du Laurier et la Nature

Pénétrer le monde Nature est une intrusion non sans conséquence.
Le temps semble maintenant définitivement révolu où nous dansions en rond, martelant le sol, honorant les esprits. Il résonne encore dans les argiles rouges et collantes.
Le temps où nos prières, nos offrandes étaient déposés au pied des arbres, à l’entrée des grottes, dans les eaux claires, a disparu.
Désormais nous déambulons raides de nos avidités, devant les étalages de cosmétiques aux noms flatteurs d’épices et de fleurs.
Toutes les intentions colorées que l’on peut prêter à la Mère Nature ne sont qu’un pâle reflet. Dans les escapades estivales nos regards se sont perdus. Notre langage, notre intelligence, notre perception n’ont plus aucune mesure avec cette Nature pure dont nous parlons tant. Tant que nous l’aborderons ainsi il lui sera fait offense. Ce ne sont pas assurément nos paysans qui l’honoreront l’ayant depuis longtemps abandonnée, sauf quelques uns, rares et précieux. Peut être quelques poètes ou artistes, certaines personnes ayant voué leur vie à ce dialogue, auraient commencé à deviner et à ressentir. Ce pourrait être les derniers indigènes encore au fond de la grande forêt.

Alors, nous pourrions juste évoquer quelques pensées bienveillantes, reconnaissantes au moment de l’aborder, c ‘est une noble Dame très pudique qui ne s’en laisse point compter. On s’avance sur la pointe des pieds et on se présente là, comme une excuse, remplis de dévotion.

Ainsi faisant, le Dojo du laurier, lieu de pratique que nous édifions, sera fait dans une tendre humilité devant cette nature mystérieuse et primordiale. Le cœur de cet ilot de roches et d’arbres s’imbriquant, sera un de nos points de ralliement.
Démarche entamant une attention toute nouvelle aux pierres, aux arbres, à l’ambiance des jours et des pénombres se faufilant sous les branches au raz des masses minérales.
Nous cueillerons ces vibrantes effluves venant caresser notre joue comme un vent sans mouvement.
Nous nous déplacerons avec pudeur sur les rais de lumière giclant du ponant et qui caressent les écorces jusqu’aux branches perchées.
Nous accueillerons la clarté du levant inondant légèrement la cime des frênes et dégoulinant peu à peu jusqu’au tronc massif des érables.
Le rocher, inclus dans la paroi de bois de la construction trônera au raz du plancher comme un croc qui nous rappelle à cette vigilance aimante.
Nous y privilégions les ouvertures afin que le dehors nous entremêle en lui.
Nous partirons à la découverte de nos cœurs engoncés en nous appuyant sur des pratiques justes et libres qui tentent d’abandonner le moi capricieux.
Ce faisant, nous nous élançons à la conquête de nos territoires intérieurs, ces îles de la loi nature depuis longtemps désertées et abandonnées.
Cheminant, nous pourrions commencer à y deviner déjà que nous sommes Elle.